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Charlie Chaplin, le génie de la liberté

L'ÉPOQUE - Aujourd'hui, c'est le 134e anniversaire de la naissance de Charlie Chaplin.


16.04.2023 ©️ L'ÉPOQUE PARIS


Par Nereides Antonio Giamundo de Bourbon



© Charlie Chaplin


Charles Spencer Chaplin, vrai nom de Charlie Chaplin, est né le 16 avril 1889 à Walworth, Londres. Il était un acteur, comédien, réalisateur, compositeur, scénariste, cinéaste, éditeur et musicien britannique. Il était l'un des plus grands acteurs de l'ère du cinéma muet. Charlie Chaplin est surtout l'inventeur de "Charlot" (The Trump), l'un des personnages les plus célèbres de l'histoire du cinéma qui a consacré l'artiste à une icône mondiale. Ce vagabond généreux et maladroit était le grand comique du cinéma muet dans les années 1910 et 1920. Depuis plus d'un siècle, le monde entier connaît et aime Charlie Chaplin. Génie du burlesque, Chaplin a mis son talent au service d'un idéal de justice et de liberté. Son meilleur scénario fut celui de son propre destin, un destin qui s'inscrit dans l'histoire politique et artistique du XXe siècle. Avec ses mimiques irrésistibles et sa silhouette unique, le maître du cinéma muet a dénoncé l’injustice en utilisant l’humour comme une arme. Il a pris tellement au sérieux le cinéma burlesque qu’il l’a hissé au rang des beaux-arts.

Né au cœur d’une famille de saltimbanques, Chaplin eut un demi-frère aîné (Sydney) et un demi-frère cadet (George Wheeler Dryden) qui furent eux aussi acteurs. De ses quatre unions (avec Mildred Harris, Lita Grey, Paulette Goddard et Oona O’Neill) naîtront 11 enfants, dont huit avec Oona avec qui il vivra jusqu’à sa mort en 1977. Nombre de ses descendants ont poursuivi une carrière artistique, tels sa fille Géraldine devenue actrice et son petit-fils James Thierrée, danseur, acrobate et musicien. Quand, en 1913, le cinéaste Mack Sennett l’engage dans ses studios de la Keystone Film Company, à Los Angeles, Charles Spencer Chaplin connaît sur le bout des doigts le métier de comédien. À 24 ans, il a déjà fait le tour de l’Angleterre dans des dizaines de spectacles de théâtre et de music-hall. Sa carrière a basculé en 1908 quand l’imprésario britannique Fred Karno l’a emmené en tournée aux États-Unis. Par ailleurs, c’est au contact de cet homme exigeant, dont les shows mêlent acrobaties et pantomime, qu’il héritera de son obsession du geste et du rythme parfaits.

Acteur, réalisateur, coproducteur, musicien… Il endosse tous les rôles! Son exigence le conduit à vouloir tout contrôler de son art. En 1918, un contrat exceptionnel signé avec la First National Pictures lui assure une indépendance financière. Il bâtit un immense studio au cœur d’Hollywood. Dès qu’il entre en possession de ce lieu, Chaplin dépense plus de pellicule que n’importe quel réalisateur de son temps. Ce studio deviendra son royaume. Omniprésent et omnipotent, le maître y endosse tour à tour le rôle d’acteur, réalisateur, coproducteur, musicien et même compositeur. Les exemples de sa folie perfectionniste abondent… Pour une scène de La Ruée vers l’or (1925) où son personnage affamé mange ses chaussures, Chaplin multipliera les prises et n’hésitera pas à mâchonner durant trois jours plus de 20 fausses paires de souliers en réglisse ! L’excès de sucre le rendra tellement malade qu’il devra suspendre le tournage pendant quinze jours. Une fois, il avait fallu plus de 600 essais avant que Chaplin ne se déclare satisfait du regard de la fleuriste anciennement aveugle dans la scène finale des Lumières de la ville.

Avec l’avènement du parlant, bien que rétif à l’idée de faire parler Charlot, Chaplin ne manque pas l’arrivée du sonore. Au tournant des années 1920, il voit l’occasion rêvée de composer ses musiques de film. Chaplin a appris seul et à l’oreille le piano, le violon et le violoncelle. Bon compositeur, Chaplin ? Michael Jackson, fan absolu, considérait le thème principal des Temps modernes comme un chef-d’œuvre de la musique populaire. Il reprendra d’ailleurs sur un de ses albums la chanson Smile, écrite sur cette mélodie.

L’arrivée du cinéma parlant lui permet aussi de donner un relief supplémentaire à ses films en les sonorisant. Les Temps modernes donnent à entendre le bruit des machines et le charabia de Charlot dans sa fameuse interprétation de la chanson Je cherche après Titine, tandis que les dialogues figurent toujours sur les cartons. Jusqu’en 1940, et au Dictateur, il ne cesse de faire un pied de nez au parlant. Avec succès : Les lumières de la ville et Les Temps modernes généreront plus de recettes qu’aucun film parlant de l’époque ! Une leçon dont se souviendra Jacques Tati, en réalisant Mon oncle (1958) et Playtime (1967), deux films peu dialogués dont la richesse sonore renforce le comique. Dans un Hollywood qui va bientôt se plier aux règles du star-system érigées par les grands studios, Chaplin n’a de cesse de briser les codes. Dès ses débuts devant la caméra, il rompt avec le slapstick (littéralement « coup de bâton »), ce cinéma burlesque fait de courses et de bagarres, tourné sans réel scénario. « J’avais horreur des poursuites, confie Chaplin dans ses mémoires. J’avais beau ne pas connaître grand-chose au cinéma, je savais que rien ne remplaçait la personnalité. » Personnalité : le mot-clé. Elle prendra la forme d’un étrange bonhomme que les Français découvrent en 1915 sous le nom de Charlot.

Chaplin l’a inventé dans les loges de la Keystone quelques minutes avant d’entrer sur le plateau de son deuxième court-métrage (Charlot est content de lui, 1914). En composant le costume de Charlot, « je voulais que tout fût en contradiction», narre Chaplin. «Le pantalon trop large, l’habit étroit, le melon trop petit, les chaussures énormes »… Le génie de Chaplin est d’avoir su incarner dès sa première apparition un individu faisant preuve d’une liberté inconnue jusqu’alors. Justicier bottant les fesses des policiers, ridiculisant les nantis, grand cœur pour la veuve et l’orphelin, mais aussi malotru capable de glisser sa main sous une jupe. «Charlot est un dadaïste dont les désirs du subconscient et les impulsions se réalisent sur-le-champ », écrivait le poète Henri Michaux en 1924. L’impact est d’autant plus grand que Charlot ne se justifie jamais… puisqu’il est muet ! D’où l’adhésion quasi immédiate du public. Les gens l’adorent instantanément car il les venge de leur quotidien de manière comique, tandis que les intellectuels et les artistes l’érigent en figure majeure du nihilisme antibourgeois. Dès la sortie du Vagabond (1915), sa popularité est telle que des spectacles avec des faux Charlot circulent en Russie jusqu’en 1922.

La silhouette de Chaplin devient très rapidement une icône : elle décore des tasses, figure des marionnettes… Le frère de Chaplin créera une société pour protéger ses droits et empêcher les copies illicites. On imagine mal aujourd’hui le matraquage publicitaire dont il faisait l’objet à l’époque. Entre 1913 et 1922, pas moins de 70 courts-métrages de Charlot sont diffusés dans le monde ! Son effigie publicitaire est partout, dans les journaux, sur les colonnes Morris ; il est plagié dans les music-halls. Face à cette déferlante, son demi-frère Sydney, lui aussi comédien, en est réduit à monter une société pour réclamer des droits de reproduction et de diffusion de cette icône. Plus étonnante encore, la fascination que Charlot a exercée sur les artistes et intellectuels de l’époque. Dès les années 1920, sa gestuelle mécanique inspire les avant-gardes russes, le peintre Rodtchenko en tête. «Il pratique la langue des mimes, la plus vivante de toutes », s’enthousiasme de son côté Jean Cocteau, qui passera une nuit à converser avec lui sur un paquebot voguant vers l’Asie. En 1927, Chaplin divorce de sa deuxième épouse, Lita Grey, qui l’accuse de liaisons extraconjugales et d’un comportement sexuel « inapproprié ». Ses rapports avec les femmes (nombreuses et jeunes) choquent l’Amérique puritaine. Le discours que son personnage tient à la fin du Dictateur, éloge de l’humanisme, met par ailleurs en lumière les opinions progressistes de Chaplin. Accusé de communisme, traqué par le FBI, il est chassé des États-Unis en 1952. «C’est le seul cinéaste qui a réalisé une satire du maccarthysme en en étant lui-même victime, » rappelle Michel Faucheux, l’un de ses biographes.


Certes, le génie du muet n’a pas été tendre avec son pays d’adoption. Dès L’Émigrant (1917), il fait des États-Unis un miroir aux alouettes, dénonçant la cruauté de l’accueil fait aux migrants à Ellis Island. Il s’est inspiré de sa propre expérience. Né en 1889 d’un père absent et alcoolique et d’une mère qui sombra dans la folie, tous deux artistes ratés, Charles Spencer Chaplin fait ses premiers pas sur les planches à 5 ans ! Si Chaplin n’est pas le seul cinéaste à avoir décrit la faim, il est le seul à l’avoir connue, et c’est ce que ressentiront les spectateurs du monde entier. Dans La Ruée vers l’or, il n’hésite pas à s’attarder sur les conditions effroyables des chercheurs d’or mourant de faim dans les montagnes du nord du Canada. Mais c’est à partir des Temps modernes (titre que le philosophe Jean-Paul Sartre reprendra en 1945 pour sa revue mensuelle) que son discours se fera plus politique, le long-métrage dénonçant les chaînes de montage inhumaines à l’époque de la Grande Dépression. Ce film prémonitoire est sans doute celui que les jeunes générations ont le plus en mémoire. Il suffit de feuilleter les livres scolaires pour s’en apercevoir. Quand il s’agit d’illustrer l’aliénation de l’homme par la machine, pas un n’échappe à la photo de Charlot coincé dans un rouage géant. Nos livreurs de repas à vélo et les employés patinant dans les entrepôts des commerçants du Web l’auraient sans nul doute inspiré. Sa longue carrière a duré plus de 75 ans, de l'ère victorienne jusqu'à un an avant sa mort en 1977. Fait hautement remarquable, Charlie Chaplin a été le seul à mêler à ce point l'éclat du rire et le flux des larmes. Maître du burlesque et du drame, du rire aux larmes, Chaplin a certainement été un humaniste sans pareil, un arpenteur de la condition humaine tout comme la centrifuge du cinéma du XXe siècle.




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