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Hommage à Paco Rabanne, le métallurgiste de la mode

L'ÉPOQUE - Le monde rend hommage à Paco Rabanne, le Grand Couturier et Parfumeur franco-espagnol, disparu le 3 février 2023, forgeur du style moderniste.


06.02.2023 © L'ÉPOQUE PARIS


Par Véronique Dupont


Le couturier espagnol Paco Rabanne et deux de ses mannequins à la fin d'un défilé, le 9 octobre 2000 à Paris

© PHOTO AFP / JEAN-PIERRE MULLER


«Ce n'est pas un couturier, c'est un métallurgiste ! » disait de lui Coco Chanel. Et pour cause, pendant plus de 50 ans de carrière, Paco Rabanne a marqué l'histoire de la mode dès 1966 par l'introduction de matériaux industriels dans ses collections révolutionnaires, modernes et audacieuses. Il n'a pas seulement apporté des nouveautés en termes de style, il a véritablement révolutionné la mode avec son petit bout de métal. Il y a eu un avant et un après Paco Rabanne, c’est évident. Si aujourd’hui son nom est associé à des parfums célèbres et même à quelques prédictions hasardeuses, Paco Rabanne a été un talent sans précédent. Une maîtrise hors du commun du patronage, un parti-pris sans pareil pour des matières hallucinantes et un amour de la silhouette géométrique… Voilà ce qui a construit le temple et la légende Paco Rabanne. Son héritage n’est plus à prouver et son style reste toujours éternel.

Paco Rabanne confectionne "la robe la plus chère du monde" pour Françoise Hardy en 1968 © FITITJIAN/SIPA / SIPA PRESS SIPA

Francisco Rabaneda y Cuervo le 18 février 1934 dans le rustique pays basque hispanique, il quitte son pays natal et la guerre civile qui y suit et s'installe en France avec ses parents à peine 5 ans plus tard. C'est en France, son pays éternel d'adoption, que l'artiste prend le nom Paco Rabanne. Fasciné par l’architecture et la mode, élevé par une mère qui fut première d'atelier de Cristobal Balenciaga dans les années 1920, Paco Rabanne développe une créativité inouïe qui le conduit à se consacrer, dès 1952, aux études d'architecture à l'École nationale supérieure des beaux-arts à Paris. Cependant, c’est la mode qui devient rapidement le gagne-pain du jeune artiste produisant des croquis de mode, des dessins de sacs, de chaussures et d’accessoires excentriques pour des maisons à l'instar de Schiaparelli, Balenciaga, Givenchy, Charles Jourdan, Pierre Cardin, Nina Ricci ou encore Courrèges.

L'actrice Jane Fonda dans le film Barbarella, en 1968 - © ROLLS PRESS / POPPERFOTO / Getty Images

À 32 ans, dans les salons de l'hôtel George-V, il présente son premier opus haute couture baptisé « Manifeste » qui marque son ascension, une collection composée de «12 robes importables en matériaux contemporains ». Ses créations expérimentales, ornées de sequins, d'aluminium et de plaques en Rhodoïd, sont portées par des mannequins aux pieds nus qui défilent au rythme saccadé du « Marteau sans maître » de Pierre Boulez. Parmis les looks iconiques qui ont construit sa légende, il y a certainement des création inoubliables dont la Robe Bang-Snap-Chatter réalisée avec six-cent disques en plastique, les tenues sexy pour Janes Fonda dans le film culte Barbarella du 1967, sa pièce iconique, une mini-robe trapèze en plaquettes miroitantes en or et diamants conçue pour Françoise Hardy, la collection 100% en plastique du 1968, ou encore le défilé inspiré de la conquête de la Lune du 1969. Il est également célèbre le sac 1969, un accessoire élaboré à partir d'une chaîne de chasse d'eau dont la conception ingénieuse met à l’honneur confection artisanale, matériaux expérimentaux et style visionnaire.


Paco Rabanne © JAMES L. AMOS/CORBIS VIA GETTY IMAGES

Expérimentant le plastique moulé, le métal martelé, le jersey d’aluminium ou encore la cotte de maille, le style Paco Rabanne questionne d’emblée l’essence même du vêtement. Couturier s’inspirant moins du modélisme que de la sculpture ou de l’architecture, l’Espagnol repousse en effet les frontières de l’imaginaire textile via des silhouettes sulfureuses qui reflètent à point nommé son époque. Longueurs ultra-courtes, jeux de transparence suggestifs, peau allègrement dévoilée : la mode du créateur se veut aussi un instrument de libération des femmes auxquelles ils dédient ces armures inoxydables.

Défilé Paco Rabanne inspiré par la conquête de la Lune (1969) - ©Keystone

Se fiant uniquement à ses pronostics, le couturier compose des collections invulnérables, principalement élaborées en métal, matière défensive par excellence, autrefois employée dans la fabrication des armures. Robes tout en boutons, vêtements moulés dits "Giffo", tenues destinées à la conduite automobile ou encore silhouettes en plaquettes d’or : en plein "space age", ces pièces rétro-futuristes aux matériaux inédits révolutionnent le conservateur univers de la conception jusqu’à valoir au couturier prophétique une adhésion à la Chambre syndicale de la couture dès 1971.


Paco Rabanne © Mirrorpix/Getty Images

Côté défilés, Paco Rabanne a également fait partie des premiers couturiers à solliciter des mannequins noires pour présenter ses collections. Emboîtant le pas à Yves Saint Laurent, le designer a utilisé des mannequins noires dans son défilé parisien en juillet 1964 pour porter ses robes futuristes en plastique. Un acte qui n'a pas manqué d’enrager la presse américaine. Selon les propos de Paco Rabanne dans le livre Deep Skin de Barbara Summers, dans les coulisses après le défilé les filles des magazines américains Vogue et Harper Bazaar lui auraient demandé : « Pourquoi avez-vous fait cela? » « Vous n’avez pas le droit de faire ça, de prendre ce genre de filles. La mode, c ‘est pour nous, les blancs ». « Elles m’ont craché au visage. » dit-il le couturier. Le créateur a ensuite été mis à l'index des cartels de la mode jusqu’à ce que les mannequins noires deviennent chics dans les années '70.

Le couturier Paco Rabanne dans son appartement à Paris en 1974 © DANIEL SIMON/GAMMA-RAPHO VIA GETTY IMAGES

Paco Rabanne a fait aussi sensation en demandant à ses mannequins de fouler le podium nu-pieds, en rythme de musique, loin du silence assourdissant des présentations de certains de ses concurrents. Du jamais vu, à une époque où les aboyeurs, qui annoncent les modèles, constituent la norme. Au fils des années, l'esprit visionnaire de Paco Rabanne s'est nourrit de la complicité d'ambassadrices tout aussi audacieuses tels que Brigitte Bardot, Jane Birkin, Jeanne Moreau, Audrey Hepburn et bien d'autres célébrités séduites par ses créations en « cotte de maille » au style inoxydable. Une publicité fortuite amplement suffisante pour asseoir définitivement le prestige de la marque.

Paco Rabanne - Collection 100% en plastique ©Keystone

L'artiste a également enchaîné un très grand succès sur le plan olfactif avec des parfums aux fragrances infaillibles tels que "Métal", "La Nuit", "Sport", "Ténéré" ou encore "XS" et "Paco", ce dernier s’accompagnant d'une ligne de vêtements et d'accessoires unisexe, ou encore "Ultraviolet", "Black XS", "1 Million" et "Lady Million" présentés plus tard. Encensé par un public international, Paco Rabanne a participé indéniablement à la démocratisation du parfum.


Paco Rabanne © Mirrorpix/Getty Images

En 1999, Paco Rabanne se retire de ses fonctions de directeur artistique pour se réorienter vers la culture, l’écriture et l’ésotérisme. Suite à cette décision de l'artiste, la maison parisienne décide alors d’arrêter la haute-couture tandis que les collections de prêt-à-porter, homme et femme se poursuivent sous l’autorité stylistique de Rosemary Rodriguez en 2000, puis de Patrick Robinson en 2005 avant de fermer définitivement ses portes en 2006. Ce n'est qu'en 2013 que l’esprit révolutionnaire de Paco Rabanne est finalement réincarné en la personne du jeune directeur artistique Julien Dossena qui a su insuffler à la maison parisienne une impulsion réformatrice tout en préservant le pragmatisme urbain cosmopolite aux influences pop des silhouettes avant-gardiste signées Paco Rabanne.




www.pacorabanne.com



Instagram:


@pacorabanne









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